Engrais russes taxés : l’Unifa prête à prendre la relève
Le 18 juin, l’Unifa organisait son assemblée générale à Paris. Les industriels de la fertilisation disent la filière prête à répondre à la demande des agriculteurs, alors que les engrais russes s’apprêtent à être frappés d’un droit de douane européen.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
L’année dernière, l’assemblée générale de l’Unifa, le syndicat des industriels de la fertilisation, s’était déroulée dans un contexte politique chahuté, à quelques semaines des élections législatives anticipées. Cette année, c’est une autre échéance politique qui occupe les fabricants d’engrais : le 1er juillet, des droits de douane entreront en vigueur pour les engrais en provenance de Russie.
« La Commission européenne a finalement réagi, trois ans après le début de la guerre, souligne Delphine Guey, présidente sortante de l'Unifa. Avec les sanctions sur le gaz russe, nous étions passés d'une dépendance au gaz à une dépendance aux produits finis russes. » Si les industriels français étaient parvenus à s’approvisionner en gaz dans d’autres pays, notamment grâce à des importations par navire de gaz naturel liquéfié, Moscou, pour financer son effort de guerre, aurait proposé des engrais à un tarif en deçà des cours.
Les taxes envers la Russie : un surcoût de 5$/t d’engrais seulement
Pourtant Delphine Guey l'affirme, les filières françaises et européennes sont en mesure de répondre à la demande des agriculteurs du continent. « Les producteurs d’engrais minéraux situés sur le territoire répondent déjà à 45 % à la demande, assure-t-elle. Avec les pays limitrophes à la France, ce volume pourrait atteindre les deux tiers de nos besoins. Et 50 % des capacités de production des outils industriels des engrais organiques sont sous-exploités. »
À l’échelle européenne, ce serait 10 à 20 % des capacités de production des engrais qui seraient à l’arrêt, d’après une étude commandée à Argus Media par fertilizer Europe, l’organe représentant les industriels de la fertilisation à Bruxelles. La même étude indique que le surcoût lié aux nouveaux droits de douane n'atteindrait que 5 $/tonne, en raison de la réorganisation des flux et de la logistique.
« J’entends la colère des agriculteurs qui ne veulent pas payer plus cher, reconnaît Eric Martineau, député Modem et producteur de pommes dans le sud Sarthe. Mais il nous faut réfléchir à long terme. Nous ne pouvons pas perdre la main sur la production d’azote. »
Dès le 25 juin, des aides européennes pour soutenir les industriels
Brigitte Misonne, directrice des marchés agricoles à la Commission européenne, a répondu aux questions des membres de l’Unifa sur les leviers de réduction de la dépendance de l’Europe aux produits russes. Le droit de douane de 6,5 % entrera en vigueur le 1er juillet, et sera complété d’une taxe, dont le montant sera compris entre 40 et 45 euros par tonne en 2025, puis augmentera pour atteindre 430 euros par tonne d’ici 2028.
« Ces droits vont alléger la pression sur l'industrie européenne, mais gardez à l'esprit qu'il faut des engrais abordables pour les agriculteurs » a mis en garde Brigitte Misonne. « Un suivi très rapproché sera effectué via l'observatoire européen du marché des engrais, et des mesures de stabilisation seront prises en cas de hausse incontrôlée » a-t-elle ajouté.
Brigitte Misonne a également rappelé le soutien des institutions communautaires en faveur des industriels : « Un train de mesures sera mis en place pour la fin de l’année, afin de reconnaître le rôle stratégique des produits chimiques et des molécules critiques et proposer des aides ciblées. Dès le 25 juin sera adopté un cadre exceptionnel aux aides d'Etats visant la décarbonation industrielle et le développement des énergies renouvelables. »
Les industriels capables de s’adapter à une baisse des seuils du cadmium
Enfin, l’Unifa n’a pas pu faire l’impasse sur l’un des sujets du moment : les taux de cadmium dans l’alimentation humaine.
Jacques Fourmanoir, nouveau président de l’Unifa, a rappelé que les quantités d’engrais phosphatés épandus dans les sols avaient été divisées par quatre en quarante ans, que les industriels se pliaient aux seuils, abaissés de 90 ppm à 60 ppm lors de l’entrée en vigueur d’un nouveau règlement européen dédié aux engrais, en 2022, mais que même en cas de durcissement de la réglementation, les industriels seraient en capacité de fournir aux agriculteurs des engrais peu chargés en cadmium.
Il a également indiqué qu’une enquête Anses sur les effets du cadmium sur la santé humaine était en cours d’élaboration. L’Unifa a été auditionné, et les résultats devraient paraître en fin d’année.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :